Mars, avril, mai… La France compte les mois que le virus lui a amputé. Octobre, novembre… Dans un monde covidé, les Hommes ont dû prendre une pause forcée, un congé inédit dont ils n’étaient pas les instigateurs, dont ils ne désiraient pas. Un congé sociétal, vital pour la plupart d’entre nous. L’ivresse des débuts, loin de l’école, du métro bondé, du travail, a laissé place à la lassitude. Le temps a ralenti, une bulle a recouvert le globe. Virus exceptionnel, situation exceptionnelle. Dans leur jardin, dans leur 10m², entassés ou solitaires, les naufragés de la Covid-19 ont dû apprendre une nouvelle façon de vivre, de voir le temps social. Un temps de pause imposé, dont la fin manque de clarté.
Les étudiants, apprentis vivants
Pour beaucoup d’étudiants, ce temps de pause lié à la Covid-19 était synonyme de retour chez les parents, dans un « chez soi » quitté liberté au poing pour mieux y retourner une fois le confinement annoncé. Si retourner vivre chez ses parents peut regorger d’avantages -contact, attention, parfois même verdure et espace- il peut s’agir d’une régression, une violence faite à soi-même. À l’annonce du premier confinement, 28% des moins de 35 ans ont fui leurs studios pour rejoindre l’étendue verte de la campagne originelle. Ceux qui ont troqué la déprime citadine pour un jardin et une présence humaine se sentent pourtant oppressés par un mode de vie qui n’est plus le leur. Habitués à une vie autonome, les jeunes sont à nouveau soumis à l’autorité parentale, à des règles qui ne sont plus les leurs. Car trouver refuge chez ses parents c’est aussi renoncer pour un temps indéfini à être adulte.
Même si certains jeunes vivent très bien leur réintégration au huis clos familial, dans plus d’un tiers des cas la fracture est imminente. En tant que jeunes actifs, la passivité qu’impose leur retour en enfance pèse, frappe et cogne moralement. Pour plus d’espace, les jeunes exilés de la Covid-19 se laissent étouffer et suffoquent sous le poids d’un foyer dont ils se sentent exclus par leur attachement à un autre. Et le second confinement, présenté comme plus léger, ne fait pas exception à ce mal-être étudiant.
Prendre le temps quand il déborde
Temps de pause. S’arrêter, respirer. Prendre le temps, le croquer à pleines dents. C’est ça aussi la Covid. La situation exceptionnelle de ce second confinement le permet moins avec le maintien d’une vie professionnelle et scolaire. Quand bien même, les souvenirs d’un printemps bourgeonnant et d’un été au ralenti ont laissé des traces dans notre relation à la patience. Dans les files de dépistage, devant le JT et les allocutions, face à son PC en attendant de se connecter à Zoom… Tous ces moments quotidiens, ces moments de « petits faits vrais » (Stendhal) qui ancrent dans la trivialité nous font vivre une autre expérience du temps.
Prendre le temps c’est aussi accepter sa situation et en tirer profit, en sortir grandi, différent, ou simplement ravi d’être resté le même malgré les épreuves que la Covid-19 a brandi. Patience. La situation passera, mais en attendant, autant continuer à vivre, à s’adapter au temps.